L’art comme refuge et canalisateur de la souffrance

Pour Frida Kahlo, peindre était une façon de transformer la douleur en expression artistique. C’était son canal, son refuge, sa forme de liberté. Parce qu’elle a toujours refusé d’être victime, elle a compris très tôt que la vie ne devait pas se comprendre à travers sa souffrance physique. La vie, pour Frida Kahlo, était par-dessus tout de la passion.

Quand on admire son œuvre La Colonne brisée (1944), on ne peut pas s’empêcher de ressentir un profond frisson. Dans ce tableau, le symbolisme de la douleur acquiert plus que jamais une intensité palpable, physique et presque désespérante. Toutes ses années de traitement et les appareils orthopédiques qu’elle dut porter, elle les grava ainsi comme une sorte de témoignage, d’exaltation du corps physique comme synonyme de torture.

“Pourquoi voudrais-je des pieds si j’ai des ailes pour voler ?
-Frida Kahlo-

Frida a elle-même expliqué une fois qu’elle a peint tous ces autoportraits parce qu’elle se sentait seule. Plus que de vouloir canaliser la souffrance physique, elle avait besoin de se trouver face à quelqu’un pour lui expliquer comment elle se sentait, et cette personne n’était autre qu’elle-même.

L’exemple de vie et d’attitude de la célèbre peintre mexicaine nous démontre quelque chose de très concret : la créativité est un véhicule, c’est un mécanisme exceptionnel capable de nous aider non seulement à restructurer la douleur, à canaliser la souffrance. Les thérapies expressives comme la peinture, l’écriture ou la composition sont également une façon de nous retrouver avec nous-même pour prendre soin de nous et retrouver l’équilibre émotionnel.

                                                                La Colonne brisée, 1944

La souffrance et l’artiste torturé-e

Nous aimons souvent penser que l’art, pour arriver au sommet de son expressivité et de son génie, a besoin d’un esprit torturé et d’un cœur blessé. L’archétype du poète tourmenté et de l’écrivain qui écrit de façon frénétique pendant ses nuit de delirium tremens est toujours très présent dans notre imaginaire collectif.

                                                                 Rufus Wainwright

Wainwright est catégorique sur ce point. Il sait très bien qu’en ce qui concerne la souffrance, il n’y a pas un avant ou un après, en particulier lorsqu’il s’agit de traumatismes vécus pendant l’enfance. Les démons dansent toujours à côté de nous, ils ne disparaissent pas totalement. Il y a simplement un moment où l’on choisit de rester victime toute sa vie ou de s’autoriser à être heureux-se, malgré le fait que l’on devra vivre avec ce souvenir.

Dans ses compositions, une bonne partie de la tristesse du passé ne s’est pas encore tue, elle est toujours présente parce qu’elle fait partie de lui et c’est un morceau du souffle qui donne naissance à sa créativité. En revanche, le bonheur d’aujourd’hui est également une stimulation puissante dans ses œuvres. Quel besoin y aurait-il de renoncer à un de ces points ou de les nier ?

Au bout du compte, nous sommes tou-te-s un amalgame complexe d’émotions opposées, de lumières et d’ombres qui façonnent tout ce que nous sommes. L’essentiel est de ne pas nous laisser abattre, comme l’a réussi Frida Kahlo, et nous devons trouver une passion et faire d’elle un espèce de refuge, une sorte de catalyseur grâce auquel on peut donner au monde le meilleur de nous-mêmes et en même temps prendre soin de notre propre univers émotionnel.

L’art comme refuge et canalisateur de la souffrance