Portes ouvertes atelier Parchemine

Dans le cadre des Portes Ouvertes d’ateliers d’art-thérapie en France organisées par la Fédération française des Arts Thérapeutes, venez découvrir mon atelier Parchemine et échanger entre 10h et 17H le dimanche 29 mars 2020.
Inscription uniquement par mail : contact@parchemine.fr (espace limité dans l’atelier)

Le Journal Créatif, le mieux-être à portée de plume(s)

Cet article suisse explique ce qu’est le journal créatif tel que l’a définit Anne-Marie JOBIN. Bien que cette méthode de développement personnel soit facile à utiliser et accessible à tous, je ne peux que vous encourager à faire appel à un art-thérapeute compétent et qualifié pour vous accompagner dans le cadre d’une démarche thérapeutique telle que celle du deuil.


Publié le 17 Janvier 2019 par Saskia Galitch sur Femina.ch

Écrire ses pensées, mettre à plat ses émotions et se raconter dans un carnet personnel, c’est bon pour la tête. Excellent, même. Toutefois, comme le souligne l’art-thérapeute québécoise Anne-Marie Jobin, cela ne suffit pas forcément.

De fait, dit-elle, «lorsqu’on écrit son journal de façon trop rationnelle, on a facilement tendance à tourner en rond». Entendez: on risque de se répéter et, au bout du compte, de stagner dans ses problématiques. La solution? Le Journal Créatif, soit une méthode de développement personnel toute simple qu’elle a élaborée en 1998 et qui, mixant les forces de l’art-thérapie et de l’écriture créative, allie mots, dessin et collages.

© Asta (@wildish_wonder)

Une introspection créative

Elle explique: «Tout d’abord, il faut préciser que ce Journal Créatif n’est pas une aide à l’organisation comme peut l’être le Bullet Journal, par exemple. En revanche, comme le carnet intime, il sert d’outil de mieux-être: le processus est important. Pas le résultat.»

En d’autres termes, pas besoin d’avoir du talent pour la rédaction ni un joli coup de crayon, car l’idée n’est pas de réaliser une œuvre d’art mais d’entreprendre une démarche d’introspection en laissant parler sa créativité.

© Kathy (@kathrynzbrzezny)

Concrètement: en plus de l’écriture, qui est un langage plutôt conceptuel, on utilise aussi la langue des symboles, via le dessin et/ou les images que l’on découpe et que l’on colle selon son envie du moment.

Or, la combinaison de ces trois différents moyens d’expression, conjugaison qui fait fonctionner «tout le cerveau», permet de nous «reconnecter à notre moi profond», d’avoir «davantage accès à nos intuitions et à notre inconscient» et, pour le coup, de «déposer le trop-plein» sans s’imposer de filtres.

En effet, se laisser aller aux formes, aux teintes ou à des mots automatiques (donc non réfléchis) et à des calligraphies différentes (gribouillons, écriture non-rectiligne, etc.), peut faire émerger des messages de notre vrai moi que l’on aurait pu censurer en se contentant d’aligner des phrases de manière standard.

Autrement dit, en lâchant sa créativité, on peut plus facilement prendre de la distance par rapport à nos états d’esprit et même «trouver des réponses à nos interrogations», souligne Anne-Marie Jobin. Qui ajoute: «Se lancer dans une telle démarche est aussi un bon moyen de s’offrir un moment à soi, de débrancher.

Pour certains, cette plongée dans la vie intérieure passe par la méditation — mais tout le monde n’y arrive pas. Le Journal Créatif est une manière active efficace de se reconnecter à soi et à ses émotions!»

© Noor Unnahar (@noor_unnahar)

D’accord, mais pratiquement, comment s’y prendre? En gros, il suffit de décider de se donner rendez-vous à soi-même le plus régulièrement possible, muni d’un cahier, de stylos pour écrire, de quelques crayons de couleurs et/ou de pastels, feutres, Neocolor, gouache ou encres de différentes teintes et, pour les collages, d’avoir prévu des ciseaux, de la colle, des vieux magazines, des feuilles colorées, puis… de se lancer.

En toute liberté ou selon des thématiques spécifiques (un stress à évacuer, une décision à prendre, un deuil à travailler…)

© JanuaryPaperCo (@januarypaper.co)

Tout oser

Auteure de plusieurs guides et fondatrice de l’école Le jet d’Ancre, où elle enseigne les principes de cette pratique, l’art-thérapeute précise que sa méthode compte une multitude de techniques: écriture en spirale, en étoile, en carré, bref, dans tous les sens, rédaction de lettres qu’on n’envoie pas ou encore de contes, de conversations imaginaires…

… le tout complété par des jets spontanés, des dessins abstraits, des mandalas, des gribouillis, des esquisses réalisées de sa fausse main ou à l’aveugle et des collages réalisés à partir de photos ou de mots découpés dans des journaux.

En savoir plus: journalcreatif

© Evon (@lollalane)

Parents sans enfant – création : Noël sans toi

Si Noël est souvent un moment de réjouissances et de communion, pour certaines personnes cette période peut s’avérer douloureuse…

En tant que Parent sans enfant, les fêtes sont extrêmement douloureuses à vivre et peuvent réveiller certaines blessures. Il est parfois difficile pour les proches de savoir comment interagir.

L’association Parents Orphelins qui représente l’ensemble des parents qui vivent un deuil périnatal (c’est-à-dire toute personne ayant vécu une grossesse qui s’est soldée par le décès d’un bébé, qui survient au cours de la grossesse, lors de l’accouchement ou dans sa première année de vie) a écrit un très bel article en ce sens dont j’ai sélectionné et adapté quelques extraits :

Il est parfois difficile pour l’entourage de comprendre ce que ressentent les parents sans enfant, à plus forte raison durant la période des Fêtes. En effet, c’est généralement le moment de l’année consacré aux réjouissances en famille, avec les amis. L’atmosphère est à la fête, mais pour de nombreuses familles en deuil de leur bébé, cela peut être difficile.

Ce deuil est complexe : il s’agit de faire le deuil d’un avenir et de tous les rêves faits pour cet enfant qui ne se réaliseront jamais.

C’est voir ses rêves de fonder une famille ou de l’agrandir s’envoler. Ce n’est pas dans la nature des choses que la vie s’arrête avant même de commencer. Les parents ont alors à vivre un long et complexe processus de deuil. Ils ont besoin d’aide, d’encouragement et de reconnaissance. Les parents doivent donc apprendre à vivre leur vie en trouvant la place que prendra leur petit bébé dans celle-ci, comme il ne vivra pas à leurs côtés… mais dans leurs souvenirs et dans leur cœur.

La plupart du temps, les proches se sentent démunis devant la douleur des parents et impuissants devant la colère et l’incompréhension que la mort de l’enfant suscite.

Voici donc quelques conseils et suggestions :

Respecter le deuil des parents

L’enfant que ces parents attendaient, qu’ils avaient imaginé à leurs côtés à cette période n’y est pas et il est parfaitement normal qu’ils en soient affectés et qu’il n’aient pas le cœur à célébrer.

  • Acceptez qu’ils n’aient pas envie de prendre part à toutes les célébrations et à toutes les activités auxquelles ils auront été invité(s), ou auxquelles ils avaient auparavant l’habitude d’assister.
  • Offrez-leur, par exemple, le droit de décider à la dernière minute s’ils assisteront ou non, à une célébration ou encore de de répondre « peut-être ».
  • Informez-les de la présence de bébés ou de femmes enceintes pour qu’ils puissent choisir d’être à leur contact … ou non, et de s’y préparer s’ils choisissent de venir.
  • À moins que les parents ne veuillent pas en parler, soulignez la mémoire du bébé, n’ayez pas peur de leur parler et d’en parler, de l’appeler par son prénom. Vous pouvez aussi offrir un cadeau significatif en son nom, allumer une bougie, accrocher une décoration dans le sapin pour lui, ou un bas de Noël.

Ne cherchez pas les mots magiques

Il n’est pas nécessaire de trouver des mots magiques. Il suffit souvent d’être à l’écoute de la peine de l’autre, sans jugement.

  • Sachez qu’écouter signifie écouter sans jugement et sans interpréter et ne veut pas dire avoir réponse à tout et donner des conseils.
  • Il ne faut pas avoir peur du chagrin des parents. S’ils pleurent, c’est qu’ils se sentent en confiance en notre présence et ces larmes aideront leur cœur à guérir.
  • Soyez patient(e) avec eux : le processus du deuil de leur enfant a un rythme, le leur. Ce qui signifie que le deuil ne peut ni être accéléré, ni mis sur pause et qu’il est tout à fait normal de ressentir de la tristesse alors que tout le monde s’amuse autour d’eux.
  • Soyez prudents dans vos commentaires sur les événements ou sur ce qui les a précédés, car cela peut ajouter à la culpabilité des parents.
  • Un message de sympathie est toujours approprié et réconfortant pour les parents. Vous pouvez leur dire que vous êtes désolé(s) de ce qui leur est arrivé et que vous êtes sensibles à leur peine, leur détresse.

Article en intégralité ici

 

L’approche des fêtes de fin d’année étant une période douloureuses pour toutes les personnes en deuil, voici une invitation créative de Nathalie Hanotpsychologue clinicienne que je partage ici afin que ce temps des Fêtes puisse être le plus apaisant possible pour vous :

Noël sans toi

Se préparer à un Noël, sans l’absent, avec le carnet de deuil : une page de création particulière.
Pour Jean Monbourquette, la septième étape du deuil est celle de l’héritage. Cette étape consiste à récupérer pour soi l’énergie, l’amour, les qualités mêmes de l’être disparu. Laisser partir l’autre dans le deuil, c’est aussi se disposer à recevoir en héritage, ces mêmes qualités et talents. On peut alors accueillir la nouvelle présence en soi de cet être cher.
Voici une page « héritage » pour le carnet de deuil, destinée aussi à prendre un temps précieux pour préparer un Noël sans l’autre.

Matériel requis :
Votre journal
Les gabarits proposés suivants : un sapin, des cadeaux, des boules de Noël et une étoile.
Votre matériel de base (couleurs, ciseaux, colle …).

Consignes :
1. Commencez par imprimer et découper les formes proposées (sapin, paquets cadeaux, boules de Noël pour décorer le sapin, l’étoile).
2. En guise d’échauffement, prenez un temps pour colorer et coller votre sapin sur une nouvelle page de votre journal. Ce faisant, installez-vous dans l’exercice.
3. Décorez votre premier paquet cadeau. Il s’agit du cadeau que vous laisse l’être disparu. Que vous offre-t-il pour Noël ? Collez le paquet au pied du sapin et répondez en écriture spontanée, en spirale autour du paquet. Sur le paquet, notez un ou deux mots qui rappellent bien ce cadeau. Dessinez ensuite une étiquette avec votre prénom. Ce cadeau, cet héritage est pour vous.
4. Décorez votre deuxième paquet cadeau. Il s’agit du cadeau que vous auriez aimé faire à l’absent, ou d’un cadeau symbolique que vous souhaitez lui transmettre. Collez votre cadeau, et écrivez en spirale tout autour sur l’offrande que vous lui faites symboliquement. Terminez par un mot ou deux, en synthèse sur le paquet. Dessinez une étiquette et inscrivez son prénom.
5. Dans les boules qui éclairent votre sapin, inscrivez, en écriture spontanée, la nouvelle présence de l’être aimé disparu. Vous pouvez à chaque fois commencer votre phrase par : « tu es présent(e) dans…
6. Collez ensuite vos boules de Noël pour décorer votre sapin.
7. Dans l’étoile, faites un vœu et placez-la au sommet du sapin.
8. Continuez ensuite à décorer votre page pour qu’elle vous plaise et que vous vous sentiez en harmonie avec elle.

Journée internationale de sensibilisation au deuil périnatal

 

Le deuil périnatal bien qu’il soit si tabou est un deuil à part entière mais reste encore assez peu pris en compte. Selon la croyance populaire, les parents se remettraient plus vite de la perte d’un bébé qu’ils ont peu ou pas connue. Et pourtant…

La peine ne se mesure pas au nombre de semaines ou au vécu du bébé, mais à la grandeur du rêve que portaient en eux ses parents.

Dans notre société, on accorde peu de place au deuil et passé le choc du début, les parents sont souvent amenés très vite à ne plus pouvoir parler du décès de leur enfant car on leur demande déjà de passer à autre chose. Je trouve d’ailleurs les mots de Martine Batanian à ce propos très juste :

« Contrairement à ce que l’on pense, beaucoup de deuils ne se terminent pas de manière nette. Mais après un certain temps, l’entourage nous presse souvent de passer à autre chose. Si leur seuil de tolérance est atteint, ça ne veux pas dire que vous vous sentez mieux. Pour la plupart des blessures, c’est la même chose : on ne guérit pas, il faut se soigner constamment.  » 

Je trouve important de pouvoir s’accorder le droit de pleurer, de crier aussi fort et longtemps que l’on en a besoin.

Collages : des petits papiers pour recoller sa vie

Images découpées dans les magazines, photos, morceaux de tissus : les collages sont à la fois des créations artistiques et les miroirs de nos états d’âme. Ils peuvent aussi être des alliés pour nous soutenir dans la traversée des moments difficiles. Quatre “colleuses” se racontent en commentant leur composition.

Des collages miroirs

Pour certains, ils évoquent un hobby d’adolescent. Pour d’autres, les créations raffinées de Christian Lacroix, Peter Beard ou Max Ernst, quelques-uns des nombreux artistes qui s’y sont adonnés. En réalité, les collages sont tout cela, et bien plus encore. Utilisés depuis longtemps en art-thérapie ou dans les services psychiatriques, ils s’imposent partout et accompagnent la vogue des journaux intimes et carnets de voyages. Dans la formation, le coaching individuel, les séminaires en entreprise, etc., on « colle ». Là où l’on se cherche, là où l’on veut comprendre ses désirs cachés, exprimer ses difficultés relationnelles, on « colle ».

On s’en sert également en complément d’une thérapie : ainsi, qui se lance dans des séances de rêve éveillé ou de « dialogue intérieur » peut se voir proposer par son psy quelques exercices de ce type à faire à la maison, dans le but d’approfondir une découverte sur soi ou d’aller plus loin dans son histoire.

Les collages sont à la fois des miroirs de nos états d’âme et de formidables supports pour les exprimer. « Ils nous donnent à voir une représentation de qui nous sommes à un moment donné », résume Luc Favard, « colleur » depuis plus de douze ans, féru de psychologie transpersonnelle, et passionné par les recherches de Jung. Cet artiste – « et non psychothérapeute », précise-t-il – vient de mettre en place un atelier ouvert à tous.

Dans l’ambiance calme et chaleureuse d’une ancienne serrurerie de Saint-Mandé (Val-de-Marne), sur fond musical subtil, dans une odeur de colle, avec partout des piles de magazines et revues en papier glacé, il a créé les conditions pour que chacun puisse plonger en soi et faire naître une production singulière. Une atmosphère ludique, concentrée, d’où émergent des moments de doute et d’hésitation, parfois des élans de joie face à l’œuvre personnelle qui s’accomplit.

« Beaucoup de participants sont profs ou travaillent dans la relation d’aide. Ils sont en recherche », commente Luc Favard. Par exemple Irène, 32 ans, qui, depuis des années, découpait dans les magazines les images qui la touchaient sans savoir qu’en faire : « Je ne pensais pas être capable d’arriver à ça ! » s’exclame-t-elle en terminant son collage. Ou Angèle, 54 ans (voir son témoignage plus bas), qui fait des compositions pour les offrir au moment des naissances, des mariages… Luc Favard relance la réflexion des participants, commente le choix des couleurs, la structure qui se dessine. Jamais il n’interprète. Chacun peut ainsi s’approprier ses propres découvertes, laisser reposer les messages qu’il croit lire sur sa planche, un travail intérieur de prise de conscience se fait de toute façon. S’il n’est pas vraiment un art, le collage s’en rapproche quand il « rend visible ce qui était de l’ordre de l’invisible » selon la définition du peintre Paul Klee : « Regarder un collage nécessite de prendre du recul – de haut, et de tous les côtés – afin de se laisser décrypter… comme la vie. »

Les vrais adeptes l’utilisent de façon quasi « hygiénique » : « J’en ai toujours un en cours sur ma table de travail, avoue Luc Favard. Et si je n’en fais pas pendant quelque temps, je me sens mal dans ma peau. » Outil thérapeutique, loisir réparateur ou démarche artistique ? Peu importe, puisque dans tous les cas, il apporte.

Témoignages

Pascale, 42 ans, antiquaire
Revenir à l’essentiel
« Je me suis inscrite à un atelier de deux jours. Quand je suis arrivée, je me sentais déchirée entre plusieurs dimensions de ma vie : avoir du temps pour moi, pour mon fils, mon travail, mon couple, ma famille… En commençant à découper des images, je me suis demandé : “Que dois-je faire passer en premier ?” Bizarrement, je ne découpais que des photos rouges ou vertes… Je m’apprêtais à faire deux tas, quand j’ai réalisé que la chambre à coucher que je partage avec mon compagnon est décorée en rouge et vert. J’ai eu un déclic. Mon couple, notre histoire d’amour, tout le chemin parcouru ensemble… Je me suis rappelé que, cette année, nous fêtions nos dix ans de mariage et que nous n’avions rien prévu pour le célébrer.

J’ai commencé à disposer les photos en y pensant. Peu à peu, l’idée que ce collage pouvait s’apparenter à un autel, une façon pour moi de célébrer ce lien, s’est imposée. J’ai ajouté des photos : du jour de notre mariage, de notre petit garçon déguisé en Africain, de bâtons d’encens… Puis, j’ai collé des cœurs en strass rouge. Tout en réalisant cette planche, je sentais monter en moi la profondeur de mes sentiments. L’essentiel m’était rappelé. »

Fatima, 47 ans, infirmière
Traverser un deuil
« C’est un collage de colère. Il y a quelques années, j’ai perdu mon frère aîné que j’aimais beaucoup. Il est mort d’un infarctus, soudainement. Je me suis retrouvée en état de choc… Il m’a fallu du temps pour que je me remette à faire des collages, une activité que j’avais pratiquée en complément d’une thérapie et qui m’apportait beaucoup jusque-là. Cela impliquait pour moi de “descendre” dans des zones très douloureuses, j’appréhendais. Puis, petit à petit, j’ai recommencé.

Le collage m’a aidée à comprendre que la traversée du deuil n’est pas linéaire : on passe de la colère au chagrin en quelques jours. Ça désoriente beaucoup. J’ai construit celui-ci avec des images d’écartèlement, de déchirure. Je me sentais comme la fille par terre, en bas à gauche, sous la patte d’un cheval. J’étais écartelée entre la nécessité de continuer à vivre et l’envie de mourir pour rejoindre mon frère. “Comment vais-je faire ?” se lamente la femme en blanc. Mais dans un coin, on aperçoit la lueur rassurante de la bougie, et il y a ce visage penché de profil…

Je pense qu’il représente la “colleuse”, cette part qui prend du recul pour regarder ce qui se passe en soi. C’est en cela que la série de collages que j’ai réalisée pendant ces mois de deuil m’a aidée : j’ai pu traverser mes émotions sans me laisser submerger par elles. »

Angèle, 54 ans, éducatrice
Guérir d’une tragédie familiale
« J’ai vécu toute mon enfance avec les fantômes de six oncles et tantes morts en camp de concentration. Mes parents étaient très dépressifs, et moi, j’avais l’impression de ne pas pouvoir dire cette souffrance. J’ai découvert le collage dans le cadre d’une formation professionnelle. Peu à peu, les images que je découpais ont remplacé les mots qui ne me venaient pas. J’ai réalisé des collages qui ne “parlaient“ que de la Shoah et j’ai eu besoin d’agir, de savoir. J’ai entamé un gros travail de recherche sur la déportation juive à Champigny-sur-Marne, d’où était partie ma famille.

Puis, en août dernier, j’ai réalisé ce collage. Je l’ai intitulé “Ici et là-bas”. Il marque la séparation entre moi, qui suis de l’autre côté, en bas, et eux, qui sont partis dans le camp, représentés en haut. J’y ai placé de l’espoir, de la vie, avec un petit peu d’herbe verte en bas à gauche. Les rails symbolisent aussi cette distance entre nous. L’homme sans visage m’évoque l’idée de ne plus être envahie par tous ces morts… J’ai pu, grâce à ce travail, laisser partir ces fantômes vers leur destin. Je suis sortie de la fusion et de la confusion avec les autres générations. »

Ann, 51 ans, art-thérapeute
Donner forme à ses désirs
« J’utilise ce collage comme une planche de “travail”, il me rappelle tout ce que je veux voir arriver dans ma vie. Je l’ai accroché dans ma penderie : dès que j’ouvre la porte, je le regarde et “j’absorbe” ce qu’il contient. Il y a vingt ans, j’ai lu le livre de Shakti Gawain, Techniques de visualisation créatrice (J’ai lu, 2001). dans lequel elle suggère de faire sa “carte au trésor”, une composition contenant tous nos rêves secrets… Beaucoup d’événements que j’avais imaginés se sont accomplis. J’ai même découvert le sens de certaines images auxquelles je n’en donnais a priori pas. Ainsi, à la veille d’un voyage, j’ai collé une photo de deux mains jointes.

Quelques semaines plus tard, je commençais une histoire d’amour avec un magnétiseur qui guérissait justement avec ses mains. En haut à droite, j’ai écrit en suédois, ma langue natale : “Enfin, j’ai du succès”, et je me suis représentée dans un atelier ouvert sur un jardin, car je cherchais un lieu comme ça pour travailler ma peinture. Il y a quelques semaines, j’ai eu une proposition pour partager un local. La pièce donne sur une petite cour. Je crois que, une fois de plus, ce dont j’ai rêvé est en train de se manifester. »

A faire seul(e)

Pour réaliser votre collage

– Réunissez les fournitures dont vous aurez besoin : feuilles de papier épais, ciseaux, cutter, colle, pastilles amovibles (Patafix), piles de journaux, magazines, photos personnelles, cartes postales, etc.

– Prévoyez un long moment de disponibilité totale (au moins deux heures).
Favorisez calme mental et état de relaxation, et feuilletez des magazines en découpant sans réfléchir les images, les photos et les mots qui vous touchent.

– Disposez les éléments découpés sur une feuille. Commencez par les fixer avec les pastilles amovibles. Puis, lorsque vous êtes sûr de votre choix, collez-les. Vous sentirez intérieurement lorsque votre collage sera terminé… Si, à un moment, vous êtes bloqué dans votre inspiration, laissez-le reposer. Vous trouverez souvent l’image qui vous manque dans les jours qui suivent.

– Datez votre collage. Vous pouvez le montrer et parler avec des proches de ce qu’il vous évoque, ou écrire vos impressions.


«Le poids en moi diminue au fur et à mesure que le pot de peinture se vide»

Peindre, danser ou jouer pour mieux se porter, c’est possible. Les art-thérapeutes sont aujourd’hui environ 160 en Suisse romande. Le patient se tourne vers l’un ou l’autre des disciplines en fonction de son ressenti et de ses besoins.

Pendant une demi-heure, au milieu d’une salle, on travaille en silence, à côté d’une étagère remplie de matériel. Un cours de dessin? Non, une séance d’art-thérapie. «Découpage, crayon gris, peinture: les patients sont d’abord obligés de faire un choix», explique Marine Métraux, présidente de l’Association professionnelle suisse des art-thérapeutes. La discipline vient du monde anglo-saxon: «Dans les années 1950, on l’utilisait aux Etats-Unis et en Angleterre, avec des soldats. On avait compris que créer pouvait aider.»

Des œuvres jamais exposées

Céramiste à l’origine, Marine Métraux se sert des arts plastiques pour aider ses patients. Après une discussion en début de séance, c’est le moment de créer, sans directives ou sur une thématique qui fait écho à un besoin. «L’art-thérapeute reste à l’écart et observe. Quelque chose se passe, c’est un peu magique.» Suit un échange autour de l’œuvre réalisée: «On s’appuie sur ce qui a été fait, mais ce n’est pas de l’interprétation. On encourage la personne à parler de son ressenti.» Le résultat ne sera pas jugé, ni exposé. C’est le processus de création qui compte.

Qui sont les patients des art-thérapeutes? Marine Métraux mentionne des personnes en burn-out, en dépression, ou encore souffrant d’Alzheimer. Les profils sont divers. Parmi eux, Sophie *, Vaudoise de 22 ans, étudiante en décoration. Depuis ses 16 ans, elle pratique l’art-thérapie. «J’avais été victime de rejet de la part des autres, j’étais très isolée, et je gardais tout ça pour moi.» La jeune femme a aussi un grand intérêt pour l’art depuis qu’elle est toute petite: «C’était une évidence pour moi de me tourner vers cette discipline pour m’exprimer et me sentir mieux.»

Du soin à la profession

«C’était comme si le poids que j’avais en moi diminuait au fur et à mesure que le pot de peinture se vidait.» Sophie se retrouve ainsi dans ce concept: «J’arrive davantage à créer des images qu’à mettre des mots sur ce que je ressens. Et on est libre de créer ce qu’on veut, il n’y a rien de faux tant que ça vient de soi.» La jeune femme se sent donc valorisée et détendue ensuite, «comme après le sport». Les séances n’ont fait que confirmer sa passion pour l’art, jusqu’à l’amener à en faire son métier aujourd’hui, à travers la décoration.

Mais l’art-thérapie, ce n’est pas que du dessin ou de la peinture. Il y a quatre autres spécialisations: la thérapie par la danse, la musique, la parole et le drame et, enfin, intermédiale, qui combine plusieurs de ces thérapies à la fois.

Et la dramathérapie?

«Au début de la séance, on demande au patient de raconter ce qui l’amène, en utilisant notamment de petits objets, comme une maison ou un Playmobil.» Anne-Cécile Moser, comédienne et metteuse en scène, est aussi dramathérapeute. Sa spécialité, proche du théâtre, est la thérapie par la parole et le drame. «On va par exemple proposer au patient de jouer le rôle d’un personnage qui entre en résonance avec son problème», raconte-t-elle. But de l’exercice? «Exprimer ses émotions pour mieux les intégrer dans son quotidien, s’affirmer et avoir confiance en soi.»

Les séances se font aussi en groupe. Anne-Cécile Moser a travaillé avec des jeunes qui ont des troubles du comportement. Une activité qui semble leur faire du bien: «Je ne suis pas médecin, je ne donne pas de diagnostic, je ne guéris pas. Mais j’aide ces jeunes à réaliser à travers le jeu qu’ils sont capables de raconter une histoire cohérente ensemble et de s’écouter entre eux.»


* Prénom d’emprunt.

Julie Eigenmann  Publié lundi 30 avril 2018

https://www.letemps.ch/societe/poids-moi-diminue-fur-mesure-pot-peinture-se-vide