Le Journal Créatif, le mieux-être à portée de plume(s)

Cet article suisse explique ce qu’est le journal créatif tel que l’a définit Anne-Marie JOBIN. Bien que cette méthode de développement personnel soit facile à utiliser et accessible à tous, je ne peux que vous encourager à faire appel à un art-thérapeute compétent et qualifié pour vous accompagner dans le cadre d’une démarche thérapeutique telle que celle du deuil.


Publié le 17 Janvier 2019 par Saskia Galitch sur Femina.ch

Écrire ses pensées, mettre à plat ses émotions et se raconter dans un carnet personnel, c’est bon pour la tête. Excellent, même. Toutefois, comme le souligne l’art-thérapeute québécoise Anne-Marie Jobin, cela ne suffit pas forcément.

De fait, dit-elle, «lorsqu’on écrit son journal de façon trop rationnelle, on a facilement tendance à tourner en rond». Entendez: on risque de se répéter et, au bout du compte, de stagner dans ses problématiques. La solution? Le Journal Créatif, soit une méthode de développement personnel toute simple qu’elle a élaborée en 1998 et qui, mixant les forces de l’art-thérapie et de l’écriture créative, allie mots, dessin et collages.

© Asta (@wildish_wonder)

Une introspection créative

Elle explique: «Tout d’abord, il faut préciser que ce Journal Créatif n’est pas une aide à l’organisation comme peut l’être le Bullet Journal, par exemple. En revanche, comme le carnet intime, il sert d’outil de mieux-être: le processus est important. Pas le résultat.»

En d’autres termes, pas besoin d’avoir du talent pour la rédaction ni un joli coup de crayon, car l’idée n’est pas de réaliser une œuvre d’art mais d’entreprendre une démarche d’introspection en laissant parler sa créativité.

© Kathy (@kathrynzbrzezny)

Concrètement: en plus de l’écriture, qui est un langage plutôt conceptuel, on utilise aussi la langue des symboles, via le dessin et/ou les images que l’on découpe et que l’on colle selon son envie du moment.

Or, la combinaison de ces trois différents moyens d’expression, conjugaison qui fait fonctionner «tout le cerveau», permet de nous «reconnecter à notre moi profond», d’avoir «davantage accès à nos intuitions et à notre inconscient» et, pour le coup, de «déposer le trop-plein» sans s’imposer de filtres.

En effet, se laisser aller aux formes, aux teintes ou à des mots automatiques (donc non réfléchis) et à des calligraphies différentes (gribouillons, écriture non-rectiligne, etc.), peut faire émerger des messages de notre vrai moi que l’on aurait pu censurer en se contentant d’aligner des phrases de manière standard.

Autrement dit, en lâchant sa créativité, on peut plus facilement prendre de la distance par rapport à nos états d’esprit et même «trouver des réponses à nos interrogations», souligne Anne-Marie Jobin. Qui ajoute: «Se lancer dans une telle démarche est aussi un bon moyen de s’offrir un moment à soi, de débrancher.

Pour certains, cette plongée dans la vie intérieure passe par la méditation — mais tout le monde n’y arrive pas. Le Journal Créatif est une manière active efficace de se reconnecter à soi et à ses émotions!»

© Noor Unnahar (@noor_unnahar)

D’accord, mais pratiquement, comment s’y prendre? En gros, il suffit de décider de se donner rendez-vous à soi-même le plus régulièrement possible, muni d’un cahier, de stylos pour écrire, de quelques crayons de couleurs et/ou de pastels, feutres, Neocolor, gouache ou encres de différentes teintes et, pour les collages, d’avoir prévu des ciseaux, de la colle, des vieux magazines, des feuilles colorées, puis… de se lancer.

En toute liberté ou selon des thématiques spécifiques (un stress à évacuer, une décision à prendre, un deuil à travailler…)

© JanuaryPaperCo (@januarypaper.co)

Tout oser

Auteure de plusieurs guides et fondatrice de l’école Le jet d’Ancre, où elle enseigne les principes de cette pratique, l’art-thérapeute précise que sa méthode compte une multitude de techniques: écriture en spirale, en étoile, en carré, bref, dans tous les sens, rédaction de lettres qu’on n’envoie pas ou encore de contes, de conversations imaginaires…

… le tout complété par des jets spontanés, des dessins abstraits, des mandalas, des gribouillis, des esquisses réalisées de sa fausse main ou à l’aveugle et des collages réalisés à partir de photos ou de mots découpés dans des journaux.

En savoir plus: journalcreatif

© Evon (@lollalane)

Rituel annuel pour défier le biais de négativité

En 2018 je vous proposais de tester dès la nouvelle année un petit rituel (que vous pouvez voir ci-dessous ou plus en détail ici) afin que l’année écoulée puisse être savourée à l’heure du bilan.

Aujourd’hui 1 an après, bien que je n’ai pas toujours régulièrement pris le temps de remplir notre contenant j’ai pu découvrir notre récolte et réaliser que l’année bien qu’elle fut remuante et parfois douloureuse, était riche en heureux événements :

Quel intérêt y-a-t-il à faire ce rituel ?

Le cerveau a une tendance naturelle à capter et à s’arrêter sur les mauvaises nouvelles et à produire des pensées négatives comme l’explique très bien cet article dont voici quelques extraits :

Notre cerveau semble « préférer » les informations négatives aux positives. C’est ce que les psychologues appellent le « biais de négativité » : il pèse lourdement sur nos prises de décisions et nos jugements. Les racines de ce phénomène sont très anciennes : en milieu hostile, ou face à des situations douloureuses ou dangereuses, le fait que le cerveau mémorise en priorité les données négatives, et que cette tendance imprègne l’ensemble de la situation, est un mécanisme qui permet de prendre les bonnes décisions et de sauver des vies, notamment lorsqu’il faut se protéger, fuir ou combattre.

La force des émotions et des événements négatifs se manifeste dans différents contextes : dans la vie de tous les jours, suite à un traumatisme ou même à une mauvaise nouvelle, avec notre entourage, lorsque nous nous remémorons davantage les heurts que les moments heureux ; sur les réseaux sociaux si nous sommes blessés par une remarque, ou encore lorsque nous apprenons de nouvelles choses et subissons des échecs. Les émotions négatives, les mauvaises attitudes de nos parents, les remarques désagréables de nos collègues ont un impact bien plus important sur notre façon d’être que leurs équivalents positifs.

Cependant cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas travailler à améliorer sa vie. Ce rituel permet justement de faire apprendre à notre cerveau à développer la gratitude.

Selon le dictionnaire Larousse, la gratitude est la : « Reconnaissance pour un service, pour un bienfait reçu ; sentiment affectueux envers un bienfaiteur ».

Bien que je sois contre la tyrannie de la positivité comme je l’expliquais ici :

De la dictature du bonheur au déni de la réalité

Il me semble primordial de prendre conscience des choses positives qui se produisent dans notre existence pour apprendre à relativiser malgré les épreuves de vie. Le bonheur se crée et s’exerce au quotidien. En effet plusieurs études scientifiques menées ces dernières années, ont montré que, l’âge avançant, nous aurions tendance à développer le biais inverse, c’est-à-dire à voir davantage le positif que le négatif.

Le fait de développer sa gratitude a par ailleurs un effet mesurable sur le bien-être et la satisfaction dans la vie d’une manière générale (Wood, Froh & Geraghty, 2010).

S’entraîner ainsi à exprimer sa gratitude a de nombreuses conséquences bénéfiques sur  :
La santé physique (renforcement du système immunitaire, meilleur sommeil)
La santé mentale (plus d’émotions positives, plus d’optimisme et plus de bonheur)
Les relations sociales.

Parents sans enfant : Noël sans toi

Si Noël est souvent un moment de réjouissances et de communion, pour certaines personnes cette période peut s’avérer douloureuse…

En tant que Parent sans enfant, les fêtes sont extrêmement douloureuses à vivre et peuvent réveiller certaines blessures. Il est parfois difficile pour les proches de savoir comment interagir.

L’association Parents Orphelins qui représente l’ensemble des parents qui vivent un deuil périnatal (c’est-à-dire toute personne ayant vécu une grossesse qui s’est soldée par le décès d’un bébé, qui survient au cours de la grossesse, lors de l’accouchement ou dans sa première année de vie) a écrit un très bel article en ce sens dont j’ai sélectionné et adapté quelques extraits :

Il est parfois difficile pour l’entourage de comprendre ce que ressentent les parents sans enfant, à plus forte raison durant la période des Fêtes. En effet, c’est généralement le moment de l’année consacré aux réjouissances en famille, avec les amis. L’atmosphère est à la fête, mais pour de nombreuses familles en deuil de leur bébé, cela peut être difficile.

Ce deuil est complexe : il s’agit de faire le deuil d’un avenir et de tous les rêves faits pour cet enfant qui ne se réaliseront jamais.

C’est voir ses rêves de fonder une famille ou de l’agrandir s’envoler. Ce n’est pas dans la nature des choses que la vie s’arrête avant même de commencer. Les parents ont alors à vivre un long et complexe processus de deuil. Ils ont besoin d’aide, d’encouragement et de reconnaissance. Les parents doivent donc apprendre à vivre leur vie en trouvant la place que prendra leur petit bébé dans celle-ci, comme il ne vivra pas à leurs côtés… mais dans leurs souvenirs et dans leur cœur.

La plupart du temps, les proches se sentent démunis devant la douleur des parents et impuissants devant la colère et l’incompréhension que la mort de l’enfant suscite.

Voici donc quelques conseils et suggestions :

Respecter le deuil des parents

L’enfant que ces parents attendaient, qu’ils avaient imaginé à leurs côtés à cette période n’y est pas et il est parfaitement normal qu’ils en soient affectés et qu’il n’aient pas le cœur à célébrer.

  • Acceptez qu’ils n’aient pas envie de prendre part à toutes les célébrations et à toutes les activités auxquelles ils auront été invité(s), ou auxquelles ils avaient auparavant l’habitude d’assister.
  • Offrez-leur, par exemple, le droit de décider à la dernière minute s’ils assisteront ou non, à une célébration ou encore de de répondre « peut-être ».
  • Informez-les de la présence de bébés ou de femmes enceintes pour qu’ils puissent choisir d’être à leur contact … ou non, et de s’y préparer s’ils choisissent de venir.
  • À moins que les parents ne veuillent pas en parler, soulignez la mémoire du bébé, n’ayez pas peur de leur parler et d’en parler, de l’appeler par son prénom. Vous pouvez aussi offrir un cadeau significatif en son nom, allumer une bougie, accrocher une décoration dans le sapin pour lui, ou un bas de Noël.

Ne cherchez pas les mots magiques

Il n’est pas nécessaire de trouver des mots magiques. Il suffit souvent d’être à l’écoute de la peine de l’autre, sans jugement.

  • Sachez qu’écouter signifie écouter sans jugement et sans interpréter et ne veut pas dire avoir réponse à tout et donner des conseils.
  • Il ne faut pas avoir peur du chagrin des parents. S’ils pleurent, c’est qu’ils se sentent en confiance en notre présence et ces larmes aideront leur cœur à guérir.
  • Soyez patient(e) avec eux : le processus du deuil de leur enfant a un rythme, le leur. Ce qui signifie que le deuil ne peut ni être accéléré, ni mis sur pause et qu’il est tout à fait normal de ressentir de la tristesse alors que tout le monde s’amuse autour d’eux.
  • Soyez prudents dans vos commentaires sur les événements ou sur ce qui les a précédés, car cela peut ajouter à la culpabilité des parents.
  • Un message de sympathie est toujours approprié et réconfortant pour les parents. Vous pouvez leur dire que vous êtes désolé(s) de ce qui leur est arrivé et que vous êtes sensibles à leur peine, leur détresse.

Article en intégralité ici

 

Accompagner le deuil et rendre hommage au défunt

En cette période particulière réservée à la commémoration de nos morts, j’aimerais mettre en lumière un métier pas comme les autres : le thanatopracteur qui prépare et prend soin du corps du défunt avant son dernier voyage. Il joue un rôle primordial aussi pour les familles en prenant part indirectement au processus de deuil.

«Je ne travaille pas sur les vivants, mais pour les vivants, confie, avec simplicité et détachement, Sébastien Bonnafous, et surtout j’accompagne du mieux que je peux les proches.» Dès que son téléphone sonne, il se rend chez les défunts ou en chambre funéraire pour réaliser un soin de conservation – «partie la plus technique» – d’hygiène et de présentation. «Parfois, une simple toilette suffit. On coiffe la personne, on la maquille légèrement», explique-t-il. Le corps sera simplement installé sur un lit réfrigérant. Mais à la suite d’une longue maladie, d’une chimiothérapie, d’un suicide, d’un accident de la circulation, les soins deviennent plus techniques. Si souvent une heure suffit pour réaliser la totalité des soins, Sébastien Bonnafous peut parfois passer plusieurs heures, voire plusieurs jours, à préparer le défunt. Et ce, toujours «en s’attachant aux petits détails». Un travail minutieux «qui doit frôler la perfection. Il faut que la famille ressente que je me suis occupé de son proche avec toute l’attention possible, que j’ai apporté tout ce que je pouvais apporter», complète le thanatopracteur dans l’article de la depeche.fr

Cela me fait penser à ce magnifique film

où l’accompagnement au grand voyage est sublimée avec un profond respect et beaucoup de bienveillance sur cet art délicat qu’est le rituel de mise en bière au Japon.

Dans ses souvenirs, Axel a toujours été fasciné par le corps indique le thanatopracteur dans l’article de France info. « J’ai toujours été très intéressé par l’anatomie, le corps humain. Je voulais travailler dans ce domaine ». Après un stage en maison de retraite lors de ses études médicales et sociales, il a le déclic. « Une fois, un résident est décédé et je l’ai porté en chambre mortuaire. Je ne savais pas ce qu’il se passait ensuite. On m’a dit que les pompes funèbres allaient s’occuper de lui. » Axel se renseigne, navigue de forum en forum pour découvrir « les métiers de la pompe », et tombe sur des discussions sur la thanatopraxie. « J’avais déjà mis cette idée dans un coin de ma tête, mais là, je me suis décidé. Je trouvais que l’embaumement était vraiment un travail passionnant, qui permettait d’accompagner les familles dans le deuil en toute discrétion. » 

« Je me concentre sur mes gestes, je suis seul dans le calme, le silence, face à un corps que je cherche à embellir au mieux. Ça m’apaise vraiment. »

Malgré ces rares moments de solitude, Axel prend beaucoup de recul sur son métier, et se fiche des clichés : « Non, je n’ai pas de fascination morbide. Le problème c’est que la mort est taboue dans notre pays, on évite d’en parler. On célèbre les morts de manière assez sinistre, ce n’est pas comme au Mexique ! »

La mort est un tabou que l’on a du mal à briser, 59% des français pensent « souvent » ou « de temps en temps » à la mort avec le lot de questions qu’elle soulève sans forcément oser en parler. Aussi le dernier numéro de Ça m’intéresse propose 200 questions et infos étonnantes sur la mort.

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Retrouvez à cette occasion un podcast audio en 5 épisodes, « Ma vie avec la mort » : 5 personnes qui côtoient la mort au quotidien, ils nous expliquent leur métier, la raison de leur choix et ce que leur profession a changé dans leur rapport à la vie et prochainement l’interview de Mélodie, thanatopracteur.

Journée internationale de sensibilisation au deuil périnatal

 

Le deuil périnatal bien qu’il soit si tabou est un deuil à part entière mais reste encore assez peu pris en compte. Selon la croyance populaire, les parents se remettraient plus vite de la perte d’un bébé qu’ils ont peu ou pas connue. Et pourtant…

La peine ne se mesure pas au nombre de semaines ou au vécu du bébé, mais à la grandeur du rêve que portaient en eux ses parents.

Dans notre société, on accorde peu de place au deuil et passé le choc du début, les parents sont souvent amenés très vite à ne plus pouvoir parler du décès de leur enfant car on leur demande déjà de passer à autre chose. Je trouve d’ailleurs les mots de Martine Batanian à ce propos très juste :

« Contrairement à ce que l’on pense, beaucoup de deuils ne se terminent pas de manière nette. Mais après un certain temps, l’entourage nous presse souvent de passer à autre chose. Si leur seuil de tolérance est atteint, ça ne veux pas dire que vous vous sentez mieux. Pour la plupart des blessures, c’est la même chose : on ne guérit pas, il faut se soigner constamment.  » 

Je trouve important de pouvoir s’accorder le droit de pleurer, de crier aussi fort et longtemps que l’on en a besoin.

De la dictature du bonheur au déni de la réalité

« C’est fou de voir à quel point les instagrameurs montrent une vie naturelle et très parfaite en même temps. Ça teinte notre façon de concevoir une vie réussie, il n’y a pas beaucoup de place sur les réseaux sociaux pour des choses qui ne sont pas « parfaites », qui ne représentent pas une forme de perfection. »

Ce documentaire très édifiant de Marie-Claude Élie-Morin que vous pouvez retrouver dans son intégralité ici permet de faire le point sur ce qu’est réellement le bonheur.

Nous passons notre vie à courir après et pourtant parfois il est juste là mais on ne le voit pas.

A force de se comparer constamment aux autres pour être le meilleur et paraître si parfait, si positif, nous pouvons passer à côté de qui nous sommes.

La pression sociétale est telle que nous devons être performant en tout, nous n’avons pas le droit d’échouer. Et pourtant la vie est remplie d’épreuves qui peuvent nous faire basculer à tout moment.

Mais pouvons-nous nous autoriser à avoir le droit d’être triste et de pouvoir avoir peur avec l’injonction de devoir à tout prix « être heureux » ou de « positiver ». Les émotions négatives sont malheureusement devenues tellement taboues socialement qu’il n’y a pas toujours la place pour oser les exprimer dans notre société.

Cet excès de pensées positives est dangereux, il nous coupe de nos émotions négatives qui sont fondamentales et ont une raison d’être : nous alarmer pour prendre soin de nous.

Donc à défaut de guérir, comme certains ouvrages le prônent, les pensées positives peuvent nous entraîner dans une spirale bien plus dangereuse, celle du déni.

Il faut accepter de pouvoir voir la réalité telle qu’elle est si imparfaite pour trouver le bonheur car ce bonheur de perfection n’est qu’illusion.

La psychologue Susan DAVID explique justement avec brio le pouvoir de la vérité émotionnelle face au pouvoir destructeur du déni.

« Des émotions normales, naturelles sont vues comme bonnes ou mauvaises. Être positif est devenu une nouvelle forme de correction morale. On dit automatiquement à ceux atteints de cancer de rester positifs. Aux femmes, d’arrêter d’être en colère. Et la liste continue. C’est une tyrannie. C’est une tyrannie de positivité. »

Collages : des petits papiers pour recoller sa vie

Images découpées dans les magazines, photos, morceaux de tissus : les collages sont à la fois des créations artistiques et les miroirs de nos états d’âme. Ils peuvent aussi être des alliés pour nous soutenir dans la traversée des moments difficiles. Quatre “colleuses” se racontent en commentant leur composition.

Des collages miroirs

Pour certains, ils évoquent un hobby d’adolescent. Pour d’autres, les créations raffinées de Christian Lacroix, Peter Beard ou Max Ernst, quelques-uns des nombreux artistes qui s’y sont adonnés. En réalité, les collages sont tout cela, et bien plus encore. Utilisés depuis longtemps en art-thérapie ou dans les services psychiatriques, ils s’imposent partout et accompagnent la vogue des journaux intimes et carnets de voyages. Dans la formation, le coaching individuel, les séminaires en entreprise, etc., on « colle ». Là où l’on se cherche, là où l’on veut comprendre ses désirs cachés, exprimer ses difficultés relationnelles, on « colle ».

On s’en sert également en complément d’une thérapie : ainsi, qui se lance dans des séances de rêve éveillé ou de « dialogue intérieur » peut se voir proposer par son psy quelques exercices de ce type à faire à la maison, dans le but d’approfondir une découverte sur soi ou d’aller plus loin dans son histoire.

Les collages sont à la fois des miroirs de nos états d’âme et de formidables supports pour les exprimer. « Ils nous donnent à voir une représentation de qui nous sommes à un moment donné », résume Luc Favard, « colleur » depuis plus de douze ans, féru de psychologie transpersonnelle, et passionné par les recherches de Jung. Cet artiste – « et non psychothérapeute », précise-t-il – vient de mettre en place un atelier ouvert à tous.

Dans l’ambiance calme et chaleureuse d’une ancienne serrurerie de Saint-Mandé (Val-de-Marne), sur fond musical subtil, dans une odeur de colle, avec partout des piles de magazines et revues en papier glacé, il a créé les conditions pour que chacun puisse plonger en soi et faire naître une production singulière. Une atmosphère ludique, concentrée, d’où émergent des moments de doute et d’hésitation, parfois des élans de joie face à l’œuvre personnelle qui s’accomplit.

« Beaucoup de participants sont profs ou travaillent dans la relation d’aide. Ils sont en recherche », commente Luc Favard. Par exemple Irène, 32 ans, qui, depuis des années, découpait dans les magazines les images qui la touchaient sans savoir qu’en faire : « Je ne pensais pas être capable d’arriver à ça ! » s’exclame-t-elle en terminant son collage. Ou Angèle, 54 ans (voir son témoignage plus bas), qui fait des compositions pour les offrir au moment des naissances, des mariages… Luc Favard relance la réflexion des participants, commente le choix des couleurs, la structure qui se dessine. Jamais il n’interprète. Chacun peut ainsi s’approprier ses propres découvertes, laisser reposer les messages qu’il croit lire sur sa planche, un travail intérieur de prise de conscience se fait de toute façon. S’il n’est pas vraiment un art, le collage s’en rapproche quand il « rend visible ce qui était de l’ordre de l’invisible » selon la définition du peintre Paul Klee : « Regarder un collage nécessite de prendre du recul – de haut, et de tous les côtés – afin de se laisser décrypter… comme la vie. »

Les vrais adeptes l’utilisent de façon quasi « hygiénique » : « J’en ai toujours un en cours sur ma table de travail, avoue Luc Favard. Et si je n’en fais pas pendant quelque temps, je me sens mal dans ma peau. » Outil thérapeutique, loisir réparateur ou démarche artistique ? Peu importe, puisque dans tous les cas, il apporte.

Témoignages

Pascale, 42 ans, antiquaire
Revenir à l’essentiel
« Je me suis inscrite à un atelier de deux jours. Quand je suis arrivée, je me sentais déchirée entre plusieurs dimensions de ma vie : avoir du temps pour moi, pour mon fils, mon travail, mon couple, ma famille… En commençant à découper des images, je me suis demandé : “Que dois-je faire passer en premier ?” Bizarrement, je ne découpais que des photos rouges ou vertes… Je m’apprêtais à faire deux tas, quand j’ai réalisé que la chambre à coucher que je partage avec mon compagnon est décorée en rouge et vert. J’ai eu un déclic. Mon couple, notre histoire d’amour, tout le chemin parcouru ensemble… Je me suis rappelé que, cette année, nous fêtions nos dix ans de mariage et que nous n’avions rien prévu pour le célébrer.

J’ai commencé à disposer les photos en y pensant. Peu à peu, l’idée que ce collage pouvait s’apparenter à un autel, une façon pour moi de célébrer ce lien, s’est imposée. J’ai ajouté des photos : du jour de notre mariage, de notre petit garçon déguisé en Africain, de bâtons d’encens… Puis, j’ai collé des cœurs en strass rouge. Tout en réalisant cette planche, je sentais monter en moi la profondeur de mes sentiments. L’essentiel m’était rappelé. »

Fatima, 47 ans, infirmière
Traverser un deuil
« C’est un collage de colère. Il y a quelques années, j’ai perdu mon frère aîné que j’aimais beaucoup. Il est mort d’un infarctus, soudainement. Je me suis retrouvée en état de choc… Il m’a fallu du temps pour que je me remette à faire des collages, une activité que j’avais pratiquée en complément d’une thérapie et qui m’apportait beaucoup jusque-là. Cela impliquait pour moi de “descendre” dans des zones très douloureuses, j’appréhendais. Puis, petit à petit, j’ai recommencé.

Le collage m’a aidée à comprendre que la traversée du deuil n’est pas linéaire : on passe de la colère au chagrin en quelques jours. Ça désoriente beaucoup. J’ai construit celui-ci avec des images d’écartèlement, de déchirure. Je me sentais comme la fille par terre, en bas à gauche, sous la patte d’un cheval. J’étais écartelée entre la nécessité de continuer à vivre et l’envie de mourir pour rejoindre mon frère. “Comment vais-je faire ?” se lamente la femme en blanc. Mais dans un coin, on aperçoit la lueur rassurante de la bougie, et il y a ce visage penché de profil…

Je pense qu’il représente la “colleuse”, cette part qui prend du recul pour regarder ce qui se passe en soi. C’est en cela que la série de collages que j’ai réalisée pendant ces mois de deuil m’a aidée : j’ai pu traverser mes émotions sans me laisser submerger par elles. »

Angèle, 54 ans, éducatrice
Guérir d’une tragédie familiale
« J’ai vécu toute mon enfance avec les fantômes de six oncles et tantes morts en camp de concentration. Mes parents étaient très dépressifs, et moi, j’avais l’impression de ne pas pouvoir dire cette souffrance. J’ai découvert le collage dans le cadre d’une formation professionnelle. Peu à peu, les images que je découpais ont remplacé les mots qui ne me venaient pas. J’ai réalisé des collages qui ne “parlaient“ que de la Shoah et j’ai eu besoin d’agir, de savoir. J’ai entamé un gros travail de recherche sur la déportation juive à Champigny-sur-Marne, d’où était partie ma famille.

Puis, en août dernier, j’ai réalisé ce collage. Je l’ai intitulé “Ici et là-bas”. Il marque la séparation entre moi, qui suis de l’autre côté, en bas, et eux, qui sont partis dans le camp, représentés en haut. J’y ai placé de l’espoir, de la vie, avec un petit peu d’herbe verte en bas à gauche. Les rails symbolisent aussi cette distance entre nous. L’homme sans visage m’évoque l’idée de ne plus être envahie par tous ces morts… J’ai pu, grâce à ce travail, laisser partir ces fantômes vers leur destin. Je suis sortie de la fusion et de la confusion avec les autres générations. »

Ann, 51 ans, art-thérapeute
Donner forme à ses désirs
« J’utilise ce collage comme une planche de “travail”, il me rappelle tout ce que je veux voir arriver dans ma vie. Je l’ai accroché dans ma penderie : dès que j’ouvre la porte, je le regarde et “j’absorbe” ce qu’il contient. Il y a vingt ans, j’ai lu le livre de Shakti Gawain, Techniques de visualisation créatrice (J’ai lu, 2001). dans lequel elle suggère de faire sa “carte au trésor”, une composition contenant tous nos rêves secrets… Beaucoup d’événements que j’avais imaginés se sont accomplis. J’ai même découvert le sens de certaines images auxquelles je n’en donnais a priori pas. Ainsi, à la veille d’un voyage, j’ai collé une photo de deux mains jointes.

Quelques semaines plus tard, je commençais une histoire d’amour avec un magnétiseur qui guérissait justement avec ses mains. En haut à droite, j’ai écrit en suédois, ma langue natale : “Enfin, j’ai du succès”, et je me suis représentée dans un atelier ouvert sur un jardin, car je cherchais un lieu comme ça pour travailler ma peinture. Il y a quelques semaines, j’ai eu une proposition pour partager un local. La pièce donne sur une petite cour. Je crois que, une fois de plus, ce dont j’ai rêvé est en train de se manifester. »

A faire seul(e)

Pour réaliser votre collage

– Réunissez les fournitures dont vous aurez besoin : feuilles de papier épais, ciseaux, cutter, colle, pastilles amovibles (Patafix), piles de journaux, magazines, photos personnelles, cartes postales, etc.

– Prévoyez un long moment de disponibilité totale (au moins deux heures).
Favorisez calme mental et état de relaxation, et feuilletez des magazines en découpant sans réfléchir les images, les photos et les mots qui vous touchent.

– Disposez les éléments découpés sur une feuille. Commencez par les fixer avec les pastilles amovibles. Puis, lorsque vous êtes sûr de votre choix, collez-les. Vous sentirez intérieurement lorsque votre collage sera terminé… Si, à un moment, vous êtes bloqué dans votre inspiration, laissez-le reposer. Vous trouverez souvent l’image qui vous manque dans les jours qui suivent.

– Datez votre collage. Vous pouvez le montrer et parler avec des proches de ce qu’il vous évoque, ou écrire vos impressions.